Samedi de la 34ème semaine du temps ordinaire (année impaire)
En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Tenez-vous sur vos gardes, de crainte que votre cœur ne s’alourdisse dans les beuveries, l’ivresse et les soucis de la vie, et que ce jour-là ne tombe sur vous à l’improviste comme un filet ; il s’abattra, en effet, sur tous les habitants de la terre entière. Restez éveillés et priez en tout temps : ainsi vous aurez la force d’échapper à tout ce qui doit arriver, et de vous tenir debout devant le Fils de l’homme. »
Commentaire
- Le désir du Ciel.
- La « divinisation » de l’âme, de ses puissances et du corps glorieux.
- La gloire accidentelle. Nous devons être vigilants.
I. Un ange m’a montré l’eau de la vie : un fleuve resplendissant comme du cristal, qui jaillit du trône de Dieu et de l’Agneau. Au milieu de la place de la ville, entre les deux bras du
fleuve, il y a un arbre de vie qui donne son fruit douze fois. (...) Le trône de Dieu et de l’Agneau sera dans la ville, et les serviteurs de Dieu Lui rendront un culte : ils verront son
visage, et son nom sera écrit sur leur front (01). La Sainte Écriture finit là où elle a commencé : au Paradis. Les lectures de ce dernier jour de l’année liturgique nous montrent le terme
de notre chemin sur la terre : la Maison du Père, notre demeure définitive.
L’Apocalypse nous apprend, à travers des symboles, la réalité de la vie éternelle où se verront satisfaites les aspirations de l’homme : la vision de Dieu et le bonheur sans fin. Saint Jean
nous présente dans cette lecture la rencontre de ceux qui ont été fidèles dans cette vie : l’eau est le symbole de l’Esprit Saint qui procède du Père et du Fils, représenté par le fleuve qui
jaillit du trône de Dieu et de l’Agneau. Le nom de Dieu sur le front des élus marque leur appartenance au Seigneur (02). Au Ciel il n’y aura plus de nuit ; plus besoin de la lumière de
la lampe, ni de la lumière du soleil ; car le Seigneur brille sur eux, et ce sera pour eux le Royaume sans fin (03).
La mort des enfants de Dieu sera seulement le passage préalable, la condition indispensable pour être réuni à Dieu le Père et rester avec Lui toute l’Éternité. à côté de Lui, il n’y a pas de
nuit. Dans la mesure où le sens de la filiation divine grandit en nous, nous avons moins peur de la mort, parce que nous ressentons fortement le désir de rencontrer notre Père qui nous
attend. Cette vie est seulement un chemin vers Lui ; « c’est pourquoi il est nécessaire de vivre et de travailler dans le temps avec la nostalgie du Ciel dans notre cœur. (04) »
Un grand nombre d’hommes n’ont cependant pas « cette nostalgie du Ciel » dans leur cœur, car ils sont satisfaits de la prospérité et du confort matériel qu’ils ont ici et ils se
trouvent comme dans leur demeure définitive, en oubliant que nous n’avons pas ici-bas de demeure permanente (05) et que notre cœur est fait pour les biens éternels. Ils ont rétréci leur
cœur et l’ont rempli de choses sans valeur, qu’ils laisseront pour toujours d’ici peu.
Les chrétiens aiment la vie et tout ce qu’ils trouvent de noble en elle : amitié, travail, joie, amour humain..., et nous ne devons pas nous étonner qu’à l’heure de laisser ce monde nous
fassions l’expérience d’une certaine crainte et d’un certain malaise, car le corps et l’âme ont été créés par Dieu pour être unis à Dieu et nous n’avons que l’expérience de ce monde. Cependant la
foi nous donnera la consolation ineffable que la vie n’est pas perdue mais elle est transformée ; et en quittant notre demeure terrestre, une demeure éternelle nous est préparée au
Ciel (06). Après, la Vie nous attend.
Les enfants de Dieu seront émerveillés quand ils seront dans la gloire et qu’ils verront toutes les perfections de leur Père, dont ils ont eu seulement un avant-goût sur la terre. Ils se
sentiront tout à fait chez eux, dans leur demeure définitive, au sein de la Très Sainte Trinité (07).
C’est pourquoi nous pouvons nous exclamer : « Nous ne mourons pas ! nous changeons de maison, rien de plus. Les chrétiens ont cette espérance avec la foi et l’amour ; une
espérance absolument sûre. Ce n’est qu’un au-revoir. Nous devrions mourir en disant ainsi : au-revoir ! (08) »
II. Les saints du Très Haut recevront le royaume et le posséderont dans les siècles des siècles (09).
Tout, au Ciel, nous paraîtra entièrement jeune et nouveau. Cette nouveauté sera si impressionnante que le vieil univers aura disparu comme un volume qu’on roule (10) ; cependant, le Ciel
ne nous sera pas étranger. Ce sera la demeure que même le cœur le plus dépravé a toujours désiré au fond de son être. Ce sera la nouvelle communauté des enfants de Dieu qui y atteindront la
plénitude de leur adoption. Nous aurons des cœurs nouveaux et des volontés nouvelles, avec nos propres corps transfigurés après la résurrection. Ce bonheur en Dieu n’exclura pas les simples
relations personnelles. Là il y a de la place pour tous les amours humains véritables, authentiquement personnels : l’amour des époux, l’amour entre parents et enfants, l’amitié, la parenté,
la saine camaraderie...
Nous avançons dans la vie et, avec le passage des années, les êtres chers qui nous attendent de l’autre côté de la barrière de la mort sont de plus en plus nombreux. La mort devient quelque chose
de moins effrayant, et même quelque chose de joyeux, quand nous devenons capables de comprendre qu’elle est la porte de notre véritable foyer où nous attendent ceux qui nous ont précédés marqués
du signe de la foi. Notre foyer commun n’est pas la tombe froide ; c’est le sein de Dieu.
Ici nous ne pouvons nous faire qu’une pauvre idée de ce que sera notre vie au Ciel à côté de Dieu notre Père. L’Ancien Testament désigne la vie du Ciel quand il évoque la terre promise où l’on ne
souffrira plus de la soif ni de la fatigue, et où, au contraire, il y a aura abondance de tous les biens. Ils n’auront ni faim ni soif, ils ne souffriront ni du vent ni du soleil, car Celui
qui a eu pitié d’eux les guidera et Il les conduira à des sources d’eau vive (11). Jésus en qui a lieu la plénitude de la révélation insiste souvent sur ce bonheur parfait qui ne finit pas.
Son message est un message de joie et d’espérance en ce monde et dans le monde à venir.
L’âme et ses puissances, le corps après la résurrection, seront comme divinisés, sans que soit supprimée la distance infinie entre la créature et le Créateur. Les bienheureux connaissent Dieu tel
qu’Il est en lui-même et ils connaissent en Dieu de façon parfaite les créatures qui sont spécialement en relation avec eux, et ils tirent de cette connaissance une joie immense. Saint Thomas
affirme que les bienheureux connaissent dans le Christ tout ce qui appartient à la beauté et à l’intégrité du monde, en tant qu’il fait partie de l’univers. Et parce qu’ils sont membres de la
communauté humaine, ils connaissent ce qui a été l’objet de leur affection et de leur intérêt sur la terre ; en tant que créatures élevées à l’ordre de la grâce, ils ont une connaissance
claire des vérités de la foi concernant le salut : l’incarnation du Seigneur, la maternité divine de Marie, l’Église, la grâce et les sacrements (12). « Songe comme Notre Seigneur aime
l’encens qu’on brûle en son honneur. Songe aussi au peu de valeur des choses de la terre, qui à peine commencées finissent...
« En revanche, un grand Amour t’attend au Ciel : là ni déceptions, ni tromperies ; mais tout l’amour, toute la beauté, toute la grandeur, toute la science du monde... ! Et
sans le moindre écœurement : Il te rassasiera sans te rassasier. (13) »
III. Au Ciel nous verrons Dieu et nous jouirons de Lui d’une joie infinie, selon la sainteté et les mérites acquis ici sur la terre. Mais la miséricorde de Dieu et sa libéralité sont si grandes
qu’Il a voulu que ses élus trouvent également un motif de bonheur au Ciel à travers les biens créés légitimes auxquels l’homme aspire : c’est ce que les théologiens appellent la gloire
accidentelle. C’est à ce bonheur qu’appartiennent la compagnie de Jésus-Christ que nous verrons glorieux, que nous reconnaîtrons après tant de moments de conversation avec Lui, après L’avoir
reçu tant de fois dans la Sainte Communion..., la compagnie de la Sainte Vierge, de Saint Joseph, des Anges, en particulier de notre Ange Gardien et de tous les saints. Nous serons spécialement
heureux de rencontrer ceux que nous avons le plus aimés sur la terre : parents, amis, frères..., personnes qui ont une influence décisive sur notre salut.
De plus, comme chaque homme, chaque femme, conserve sa propre individualité et ses facultés intellectuelles, au Ciel aussi, on sera capable d’acquérir de nouvelles connaissances en utilisant nos
puissances (14). C’est pourquoi l’arrivée de nouvelles âmes au Ciel sera un motif de joie ainsi que le progrès spirituel des personnes aimées qui sont restées sur la terre, le fruit de nos
travaux apostoliques dans le temps, la fécondité surnaturelle des contrariétés et des difficultés rencontrées pour servir le Maître... S’ajoutera à cela, après le jugement universel, la
possession de notre propre corps, ressuscité et glorieux pour lequel l’âme fut créée. Cette gloire accidentelle augmentera jusqu’au jour du jugement universel (15).
Il est bon et nécessaire de susciter l’espérance du Ciel ; elle console dans les moments les plus durs, elle aide à maintenir fermement la vertu de fidélité. Ce qui nous attend dans peu de
temps est si grand que l’on comprend très bien les appels continuels du Seigneur à être vigilants et à ne pas nous laisser prendre par les affaires de la terre au point d’en oublier le Ciel. Dans
l’Évangile de la Messe d’aujourd’hui (16), le dernier de l’année liturgique, Jésus nous prévient : Tenez-vous sur vos gardes, de crainte que votre cœur ne s’alourdisse dans la débauche,
l’ivrognerie et les soucis de la vie, et que ce jour-là ne tombe sur vous à l’improviste... Restez éveillés et maintenez-vous debout devant le Fils de l’homme.
Pensons souvent à ces paroles de Jésus : Je vais vous préparer une place (17). Là, au Ciel, nous avons notre maison définitive, très près de Lui et de Sa Très Sainte Mère. Ici-bas
nous sommes seulement de passage. « Quand le moment arrivera de rendre notre âme à Dieu, nous n’aurons pas peur de la mort. La mort sera pour nous un changement de maison. Elle viendra quand
Dieu voudra, mais elle sera une libération, le début de la Vie avec majuscule. Vita mutatur, non tollitur (Préface des Défunts) (...) la vie change, elle ne nous est pas enlevée. Nous
commencerons à vivre différemment, très unis à la Très Sainte Vierge, pour adorer éternellement la Sainte Trinité, le Père, le Fils et le Saint-Esprit ; c’est la récompense qui nous est
réservée. (18) »
Demain commence l’Avent, temps d’attente et d’espérance : attendons Jésus tout près de Marie.
01. Première lecture, Année paire, Ap 22, 1-6.– 02. Cf. Sainte Bible Ap.– 03. Ap 22, 5.– 04. JEAN-PAUL II, Allocution 22 octobre 1985.– 05. He 13, 14.– 06. MISSEL ROMAIN, Préface des défunts.–
07. Cf. B. PERQUIN, Abba, Père.– 08. SAINT JOSÉMARIA ESCRIVA, dans Feuille informative sur le procès de béatification.– 09. Première lecture, Année impaire Dn 7, 18.– 10. Ap 6, 14.– 11. Is 49,
10.– 12. Cf. SAINT THOMAS, Somme théologique I, q. 89, a. 8.– 13. SAINT JOSÉMARIA ESCRIVA, Forge, n. 995.– 14. Cf. SAINT THOMAS, o. c. I, q. 89, ad I ad 3 a. 5 et 6 ; 3 q. 67, a. 2.– 15. Cf.
Catéchisme romain, I, 13, n. 8.– 16. Lc 21, 34-36.– 17. Jn 14, 2.– 18. A. DEL PORTILLO, Homélie 15 août 1989, dans Romana, n. 9, VII, décembre 89, p. 243.